L'intelligence émotionnelle autrement

Vous êtes-vous déjà senti trahi·e par vos émotions? Avez-vous essayé désespérément de les gérer, sans pour autant parvenir à éviter un écran de colère ou de frustration surgissant au au mauvais moment? Et maintenant, avec la montée des difficultés et de l'anxiété généralisées, quelle quantité d'énergie dépensons-nous pour maîtriser notre flot émotionnel et être capables de continuer à fonctionner? Quel meilleur moment pour capter l'énergie de nos émotions et l'intégrer dans nos pensées et nos actions.

Nous allons à des séminaires sur l'intelligence émotionnelle, nous nous grondons pour nos sentiments négatifs, dédaignons les autres quand ils sont trop positifs, et en fin de compte nous réprimons nos émotions pour mieux fonctionner ou pour ne pas accabler les autres. Et s’il y avait un autre moyen?

Intelligence émotionnelle

Quand j'ai demandé à ma fille de 15 ans ce que signifiait pour elle «l'intelligence émotionnelle», elle a répondu, sans une seconde d'hésitation: «Penser avec ses émotions.» Elle a poursuivi en expliquant que nous sommes entiers, avec toutes nos émotions et nos pensées. La sagesse sort de la bouche des enfants (et même des adolescents!).

Comment penser avec ses émotions? Je soutiens que ce n'est pas en les contrôlant ou en les gérant. C'est plutôt en les ressentant profondément et en les cultivant, comme un agriculteur le ferait avec une graine, en les comprenant et en les nourrissant pour qu'ils donnent les résultats recherchés.

Qu'est-ce que l'émotion?

Le cerveau interprète constamment la signification des sensations internes et externes — c'est son travail. Parfois, le sens ressort comme une pensée, parfois comme une perception, parfois comme une émotion, avec une réponse physique et hormonale qui dure environ 90 secondes. Soit c'est agréable et vous en voulez plus, soit c'est inconfortable et vous n’en voulez pas. Dans tous les cas, après cette sensation initiale, le cerveau prend le relais et reconstruit une réponse à partir de souvenirs passés.

Mon ego a un peu de mal à admettre à quel point nous sommes finalement incroyablement simplistes. Mais je m’en remets parce que je sais que nous pouvons hacker cette réponse. En fin de compte, les émotions ne sont que sensation et énergie, après tout.

La vérité sur les émotions

La neuroscientifique Lisa Feldman Barrett met fin au mythe que l'émotion et la raison s’affrontent dans notre esprit. «Il n'y a aucune partie de votre cerveau qui soit consacrée à l'émotion qui ne soit utilisée aussi dans les moments où vous êtes rationnel·le.»

Elle précise que «vous pouvez avoir une prise de décision très rationnelle quand il y a beaucoup d'affect en cours. » Quel soulagement.

Les bases de la régulation émotionnelle

Feldman Barrett est clair: pour que le cerveau interprète le monde de manière équilibrée, vous avez besoin d'énergie. Nous avons besoin d'énergie pour toutes nos fonctions cognitives, y compris la cognition sociale, ce qui inclut d’être en phase avec nos réponses émotionnelles. Lorsque nous sommes épuisés, c'est généralement la cognition sociale qui prend le premier coup.

«Vous avez besoin de dormir, de faire du sport, de poser vos appareils, de serrer vos enfants dans vos bras, de jouer à des jeux», dit Feldman Barrett. «Lorsque nous ressentons des émotions, il y a une réponse physiologique à l'environnement qui nous entoure, et nous devons récupérer par la suite. Nous dépensons beaucoup d'énergie, et si nous ne la récupérons pas d'une manière ou d'une autre, nous nous épuisons.”

Si vous êtes fatigué·e, privé·e de sommeil, en manque de nutriments ou que vos hormones sont déréglées, les émotions envahissent le terrain. C'est aussi simple que ça.

Élargir votre bande passante émotionnelle

Développer la conscience de nos émotions du point de vue de l'observateur nous permet de créer une certaine distance entre nous-mêmes et nos émotions, de nous lier d'amitié avec elles et de les utiliser habilement.

C’est plus facile si on arrive à les nommer avec précision. On peut s’amuser, et si on est un vrai geek des émotions, l'application Universe of Emotions en répertorie plus de 2000 différentes.

En fin de compte, cela nous permet de séparer notre identité de nos réactions émotionnelles. Ce sont mes émotions, mais elles ne suffisent pas à définir qui je suis.

Ressentir en profondeur

Les coach parlent toujours de se mettre hors de sa zone de confort. Les douches froides sont une façon de le faire. Tout comme s’asseoir avec ses émotions, pour vraiment ressentir la sensation physique et ne pas réagir.

Il est facile de glisser dans des cycles négatifs lorsque nous ressentons une sensation émotionnelle inconfortable. Pourtant, avez-vous déjà remarqué à quel point la peur et l'excitation sont similaires? Et si vous changiez le récit de façon à vous donner de l’énergie au lieu de vous épuiser? Je ne sais pas pour vous, mais la colère m'aide vraiment à faire avancer des projets. Et la peur est énergisante.

Découvrir comment capter cette énergie et la diriger là où vous le souhaitez, voilà la véritable mise en œuvre pratique de «penser avec vos émotions».

Hacker la régulation émotionnelle

Le meilleur hack pour l'intelligence émotionnelle est de se donner du temps de repos et de récupération — les rituels sont bons pour cela, car ils ne nécessitent pas beaucoup d'énergie.

En voici quelques autres:

  • Reconnaître les déclencheurs et s’y préparer.

  • Utiliser l'intensité de l’affect comme un signal pour arrêter et remettre en question ce qui se passe.

  • Dans des moments d'émotion intense, choisir de focaliser l’attention sur une partie du corps. L’esprit va là où va l’attention.

  • Une fois que l’on réalise que que l’on peut choisir comment réagir à une émotion, on peut cultiver les réactions que l’on veut ressentir. On peut les imaginer, les visualiser, s’entraîner à les ressentir.

  • Se permettre des pauses existentielles, lorsque l’on pense à l'immensité de l'univers ou que l’on ressent l’émerveillement. Ces moments offrent un autre type de repos.