L’art de s’écouter soi-même, avec ou sans quantification des données
Le biohacking comprend un volet d’expérimentation personnelle, basée sur l’idée que vous-seul·e savez ce qui vous convient le mieux. Facile à dire. Nous avons tous besoin d’apprendre à utiliser notre système de feed-back instantané, à nous écouter plus attentivement. Le suivi, le tracking, y joue un rôle. Comment ça marche?
J’aime décrire le biohacking comme à la fois un art et une science. Vous commencez avec une base de référence que vous contrôlez d’une manière ou d’une autre. Puis, vous optimisez vos choix et comportements à partir de là, en passant par des phases d’expérimentation, et en gardant une trace des interventions qui ont eu un impact. Vous testez et peaufinez au fur et à mesure que vous appliquez des hacks adaptés à vos objectifs.
Observer et noter les indicateurs contribuent au changement. La loi de Pearson, attribuée au mathématicien Karl Pearson, indique: « Ce qui est mesuré s’améliore. Ce qui est mesuré et rapporté s’améliore de manière exponentielle. »
Lorsque vous disposez de données chiffrées à votre sujet, vous pouvez faire le tri dans les résultats et corriger le tir. C’est une boucle de rétroaction. Quantified Bob résume le processus de façon succincte et humoristique: «Hacker, suivre, analyser, optimiser, rincer, répéter».
Dans le même temps, le biohacking est un art. Votre mission de reconnaissance personnelle appartient à vous seul·e. Elle est liée à votre corps, à votre mental, à votre environnement… et à ce sur quoi vous vous focalisez, au suivi que vous mettrez en pratique.
Pourquoi suivre?
Le suivi vous permet de rester attentif·ve et concentré·e sur un sujet précis. Si vous notez ce que vous mangez, vous devenez soudainement beaucoup plus conscient·e de ce que vous ingérez. Si vous comptez vos pas, vous pouvez estimer avec précision vote quantité de mouvement… ou de sédentarité.
Ce type d’audit sort l’action de la zone inconsciente, de l’habitude, pour la placer sous un microscope. C’est le bénéfice principale, et c’est bien suffisant.
En outre, la quantification dans le temps vous permet de voir de façon plus claire l’impact de vos choix sur les indicateurs que vous décidez de suivre.
Par où commencer?
La première question à se poser en prenant le chemin de la quantification de soi est : «Pourquoi?»
J’observe mon sommeil de façon délibérée (avec une bague connectée) parce que je veux allonger mes périodes de sommeil profond et, partant, vivre longtemps en bonne santé. Lorsque ma bague m’indique que j’ai gagné quelques minutes de sommeil profond par rapport à la luit précédente, j’ai un sentiment de satisfaction et d’excitation. Et, évidemment, je suis déçue lorsque l’inverse se produit. Avant tout, cette habitude de contrôler mes périodes de sommeil attire mon attention sur mes capacités de récupération.
Tout suivi de soi commence par l’observation délibérée. Selon le Quantified Self:
«Nous entendons quelque chose de spécifique par “observation délibérée”. Vous choisissez un ou plusieurs éléments de votre vie soigneusement définis et vous les isolez du flux de votre expérience afin de leur accorder une attention particulière. Cela implique une décision: que voulez-vous observer? »
Que suivre?
Vous pouvez traquer presque tout. Consignez votre humeur dans un journal afin de déterminer en quoi vos journées influencent vos émotions. Suivez votre consommation alimentaire avec un journal ou une application pour en savoir plus sur l’équilibre nutritionnel ou les macronutriments. Combinez ce suivi avec celui des maux de tête pour déterminer les produits alimentaires à éviter.
Les appareils portables «près du corps» (wearables) facilitent le monitoring du sommeil, de la préparation au stress, de la localisation, de la pression artérielle, de la température corporelle et du rythme cardiaque. On peut aussi se tourner vers des tests de laboratoire pour suivre sa glycémie (également possible avec un wearable), les cétones, le cholestérol, le microbiome, les hormones, et bien plus encore.
Une fois que vous avez décidé de suivre quelque chose, vous devez déterminer les indicateurs, qui dépendent de ce que vous optimisez. Plus de sommeil ou mieux dormir, par exemple. Lors du choix des marqueurs, assurez-vous qu’ils fournissent des signaux de progrès, car la poussée de dopamine à chaque succès enregistré vous incitera à persévérer.
Attention, nous avons tendance à nous identifier à la mesure. En voyant mes froncements de sourcils plusieurs fois de suite en raison des faibles scores de sommeil, ma fille a suggéré, avec sagesse, que j’évite de regarder mes données le matin afin de ne pas gâcher ma journée. Comme quoi, les données ne suffisent pas: il faut aussi apprendre à s’en servir!
Comment suivre?
Les outils que vous choisissez dépendent du quoi et du pourquoi, ainsi que de ce que vous mettrez en pratique réellement. Si vous aimez les appareils et que avez le budget, merveilleux. Le papier fonctionne aussi. Et certaines personnes excellent dans le suivi «dans la tête». Je doute de ce que ma tête me dit parfois, compte tenu de ce que je sais de la mémoire sélective, mais il arrive que le bien-être subjectif et éphémère soit un indicateur suffisant.
Plus important encore, le processus doit être simple et vous devez être honnête. J’admets vouloir tricher parfois quand je note ce que je mange. Mais je sais aussi que si je cède, les données que je recueille n’auront aucune valeur…
Certaines personnes sont plus axées sur le volume de données que moi. Le suivi m’amuse et je l’utilise surtout pour attirer mon attention sur un domaine. Je ne suis pas une collectionneuse rigoureuse de données comme certains biohackers. Comme pour tout le reste du biohacking, c’est à chacun de trouver les outils qui conviennent.
Biohacking & le suivi
Demandez-vous «Pourquoi fais-je ceci ou cela?». Par exemple, le fait que ce soit amusant et que l’appareil de mesure soit agréable et «fun» à utiliser peut parfaitement être suffisant pour démarrer.
Le site Quantifiedself.com suggère aux auto-quantificateurs de se poser les questions suivantes:
Pertinence: l’observation offre-t-elle vraiment un aperçu de ce qui m’importe?
Commodité: Puis-je recueillir ces observations facilement et systématiquement?
Fiabilité: Puis-je faire confiance aux mesures?
Ne vous prenez pas trop au sérieux.