Guide du routard pour la prise de décision

L'incertitude croissante et les changements inévitables auxquels tout le monde est confronté catapultent nos capacités décisionnelles au premier plan. Quels sont les mécanismes de cette fonction cognitive clé et comment pouvons-nous la parfaire?

Nous sommes tous des décideurs et des anticipateurs chevronné·e·s. Dès que je me suis levée ce matin, la machine de prise de décision s’est mise en marche: décider de sortir du lit, déterminer la routine de qi gong que j’allais suivre, choisir de terminer la montée de la colline en courant alors même que j'avais plutôt envie d'une balade tranquille. Et ça ne s’arrête pas là, certaines décisions étant des habitudes et donc moins conscientes, d'autres plus réfléchies.

Dans le bouleversement général que nous vivons aujourd’hui, les conséquences de nos décisions semblent prendre des proportions plus importantes, alors quel meilleur moment pour nous frayer un chemin vers de meilleures décisions.

Am, stram, gram…

Que se passe-t-il vraiment lorsque nous prenons des décisions? Selon Daeyeol Lee, du Kavli Institute of Neuroscience de l’Université de Yale, “vous essayez de prédire avant d’agir quel résultat peut se produire en utilisant des analogies de vos expériences précédentes, ou en observant et en vous souvenant des résultats du comportement des autres.”

Souvenirs, valeurs, besoins, vision du monde, personnalité et stimuli environnementaux, tout entre dans la balance d’évaluation du pour ou contre différentes options, des résultats et des risques possibles, dans la suppression de certaines réponses et biais appris, et plus encore.

Tout ça, tout le temps.

Ennemi numéro un

Un antagoniste évident d'une bonne prise de décision est la fatigue. Le simple fait de décider vide les batteries. Faire des choix réduit la maîtrise de soi, l'endurance physique et la persistance face à l'échec. Plus les stimuli environnementaux sont nombreux, plus nous prenons de décisions. Il n'est pas étonnant qu'il soit de plus en plus difficile d’en prendre au fur et à mesure que la journée avance.

Sachez que choisir est plus épuisant que délibérer et plus fatigant encore que de mettre en œuvre les choix faits par quelqu'un d'autre.

La bonne nouvelle? Anticiper la tâche de choisir comme agréable peut réduire l'effet de fatigue, mais uniquement pour les choix initiaux.

Trop c'est trop

Je ne peux pas être la seule personne à avoir été paralysée au supermarché, incapable de décider quel shampooing acheter. Lorsque nous avons trop de choix, nous ne faisons aucun choix—ou pire, nous optons pour le mauvais choix.

Lorsque des informations entrent dans le cerveau, le cortex préfrontal dorsolatéral (la partie du cerveau responsable de la prise de décision et du contrôle des émotions) s'allume. Pourtant, avec l’arrivée de trop de stimuli,  l'activité dans cette région baisse soudainement, “comme un disjoncteur qui saute.” Et la tapis rouge se déroule pour accueillir les erreurs stupides, les mauvais choix, et les émotions qui submergent.

Nos émotions et nos décisions

L'émotion fait partie intégrante de la prise de décision. Selon le neuroscientifique Antonio Damasio, une prise de décision efficace ne serait pas possible en l'absence d'apport émotionnel pour fournir à la fois motivation et sens. Les émotions apportent non seulement des informations, mais encouragent également la prise de décision rapide, aident à décider si la solution est pertinente, et renforcent l'engagement.

Le guide inconscient

Un système inconscient complet guide nos décisions. Plus nous y déversons d'informations, moins cette partie créative est capable d’intégrer inconsciemment les nouvelles informations en complément des connaissances existantes, d’établir des connexions inédites ou de découvrir des sens cachés. Bref, savoir se déconnecter, c’est utile.

Selon le psychologue néerlandais Ap Dijksterhuis, l'esprit conscient prend les décisions les plus simples. La plupart des décisions qui nécessitent un raisonnement complexe sont inconscientes, et elles sont plus claires et meilleures.

Faire cavalier seul

Nous sommes des créatures sociales, et pourtant les chercheurs constatent que la qualité de nos décisions diminue lorsque nous surutilisons des informations provenant des amis, de la famille et des collègues. Et lorsque les individus n'honorent pas leur instinct, le groupe devient moins réactif au changement. Alors, suivez vos tripes.

Pas le temps

La précision et le temps de décision sont liés, ce dernier étant apparemment inversement corrélé à la certitude. Les prises de décision plus longues sont souvent associées à des preuves sensorielles plus faibles et à des taux d'erreur plus élevés.

Important, urgent, récent

Nos cerveaux ne sont pas entièrement fiables. En fait, nous avons de biais cognitifs à gogo —biais de confirmation, perception sélective, illusion de récence, pour n'en nommer que quelques-uns. Le cerveau excelle quand il s’agit de remarquer le changement et prend ce qui est immédiat et récent pour de la qualité. Si une chose change, elle devient le centre d'attention, qu’elle soit importante ou non, influençant notre prise de décision. Ajoutez à cela les croyances, les normes sociales et les attentes, et il est même bluffant que nous arrivions à prendre parfois de bonnes décisions.

Surmonter les biais cognitifs nécessite la conscience et un traitement d’information approfondi.

protocole décisionnel

  • Déterminez si vous avez tendance à être un “maximizer” (qui essaie d'obtenir un résultat optimal) ou un “satisficers” (qui cherche une solution suffisante), puis choisissez la meilleure solution pour chaque cas (en savoir plus).

  • Identifiez la décision à prendre et établir des critères (pas trop).

  • Envisagez des alternatives et des ramifications.

  • Reconnaissez toutes les émotions attachées à la décision et décidez quoi en faire (les écouter, les traiter, dialoguer avec elles, les ignorer).

  • Respirez profondément et soyez conscient·e des informations somatiques et incarnées. Que me dit mon instinct? mes tripes? mon cœur?

  • Laissez reposer. Donnez le temps à votre inconscient de travailler.

  • Faites votre sélection, agissez et revisitez après.


Hacker la prise de décision

  • Buvez suffisamment d'eau. Même une déshydratation de 2 à 3% nuit à la capacité décisionnelle.

  • Prenez soin de votre mémoire de travail, vous l'utilisez pour prendre des décisions (voir l’article).

  • Créez des routines habituelles pour réduire la fatigue liée aux décisions et améliorer votre capacité à faire des choix pertinents.

  • Réduisez radicalement le nombre de choix que vous faites chaque jour —éliminez ou déléguez.

  • Programmez des moments pour prendre les décisions importantes et prévoyez du plaisir dans le processus.

  • Priorisez les critères que vous utiliserez pour choisir. Plus n'est pas mieux.

  • Arrêtez le flux d'informations — rappelez-vous que votre appareil dispose d'un bouton Off (lire l’article). Faites une pause.

  • Laisser reposer les décisions pour que l'inconscient puisse faire son boulot.

  • Décidez par vous-même et rappelez-vous que le collectif bénéficie de nos propres décisions individuelles.

  • Méfiez-vous des décisions qui prennent beaucoup de temps.

  • Faites 15 minutes de méditation de pleine conscience avant la prise de décision, les études montrent que cela nous aide à faire des choix plus malins.