Détournement de concentration et d’attention: Comment ne pas se disperser

Au cours d'une journée ordinaire, quelle part de votre concentration vous appartient vraiment? Choisissez-vous l’objet de votre attention? Ou pensez-vous que le temps vous échappe? Comment récupérer son attention dans un monde de surcharge sensorielle et de visioconférence non-stop?

Les notifications qui nous coupent dans notre travail, les applications qui détournent notre attention, un téléphone qui vibre et interrompt nos conversations. Ajoutez à cela une pandémie mondiale et un défilement d’informations catastrophiques: il n'est pas étonnant que nous nous sentions si souvent distrait·e·s et en manque de concentration, voire dépassé·e·s.

Saviez-vous que lorsqu’on recherche sur Google «Attention scarcity» (déficit d’attention), on voit apparaître des articles sur le marketing? Intéressant! Même chose lorsqu’on tape «Attention Hacking» (détournement d’attention). En fait, ce terme fait référence à la manière dont les développeurs de services numériques conçoivent intentionnellement des produits pour susciter le maximum d'engagement de la part des utilisateur·rice·s — pour capter votre attention et ne plus jamais la relâcher.

L'attention est une ressource précieuse, et nombreuses sont les personnes prêtes à se disputer la nôtre. Ajoutez à cela les obligations familiales et professionnelles, et il reste peu de moments d’attention dans la journée.

Oui, mais alors? Il est facile de blâmer le flux constant d’information, les applis et autres dispositifs. Mais qui décide d’y prêter attention? Et qui devient alors la proie du «je devrais faire ceci» et du «je devrais faire cela»? Qui ne remet pas en question la réelle nécessité ou l'urgence de telle ou telle action?

Si vous êtes comme moi, vous connaissez la réponse. Cela peut même vous procurer un peu d’inconfort. Comme le rappelle le spécialiste du comportement B.J. Fogg, «Vous ne pouvez pas amener les gens à faire quelque chose qu'ils ne veulent pas faire.»

Que se passe-t-il si nous accordons un peu plus d'attention à l’objet de notre attention?

Qu'est-ce que l'attention?

L'attention est une action: elle consiste à sélectionner — consciemment ou inconsciemment — un nombre limité de points de focalisation dans un ensemble plus large. Nous le faisons tout le temps. Notre esprit est constamment attentif à toutes sortes de stimuli dont nous ne sommes même pas conscients. De plus, comme le dit le Dr Charles Shroeder de l'Université de Columbia: «Un élément crucial, mais mal compris de l'attention, consiste en la capacité de déployer des ressources de traitement avant les stimuli. Cette attention préparatoire va au cœur même de la capacité du cerveau à prédire et à organiser la collecte et le traitement de données en conséquence.» C’est sensationnel.

Nous sommes donc constamment occupé·e·s, surveillant ce qui se passe, consommant de l’énergie, ce qui signifie que notre capacité d’attention est nécessairement limitée. Le nombre magique défini par les psychologues est de sept plus ou moins une ou deux choses. Certains disent que la mémoire de travail peut gérer environ quatre choses à la fois.

Quel que soit le nombre réel, notre attention est assez sophistiquée et mérite notre attention.

Prêter attention

En 1971, Herbert A. Simon, un économiste lauréat du prix Nobel, a attiré toute notre attention sur le chemin que nous suivions: «Dans un monde riche en informations, la richesse de l'information signifie une pénurie d'autre chose: un déficit de ce que cette information consomme. Ce que l’information consomme est assez évident: l’attention de ses destinataires.»

L'attention est l'une de nos plus grandes ressources, avec notre énergie et notre optimisme. Que se passerait-il si nous choisissions délibérément, et le plus souvent possible, où nous la mettons?

Cela impliquerait un choix radical de dire non plus souvent. Le spécialiste des états de flow Steven Kotler parle d'éliminer sans pitié les éléments non essentiels afin d'atteindre plus souvent cet état hautement productif. Nous survivons parce que nous avons la capacité de prêter attention aux choses importantes et d'ignorer le reste. Nous le faisons toute la journée. Nous supprimons les informations pour nous concentrer sur ce qui nous importe. Nous sommes des maîtres de la suppression. Assumons-le.

Une question de choix

Dans une expérience à l'Université de Harvard, Matthew Killingsworth a constaté que l'esprit vagabondait en moyenne 47% du temps. Plus intéressant encore, les gens sont moins heureux lorsque leur esprit vagabonde. Le manque de concentration nous rend malheureux·ses.

Plutôt que d'être à la merci d'influences extérieures, comment pouvons-nous choisir d'être plus heureux·ses? Pour tourner notre attention là où nous voulons qu'elle soit de manière durable et épanouissante?

Ceci demande un changement de paradigme en deux étapes:

  • Passer de la prise au hasard de tout ce qui est proposé à un choix conscient de ce qui mérite notre attention.

  • Reconnaître que l'attention n'a aucune valeur intrinsèque de bien-être. Nous pouvons prêter attention, même lorsque cela nous procure une sensation d’inconfort.

Comment être plus concentré

Voici une liste d'idées liées aux petites choses du quotidien qui détournent notre attention.

  • Comment nous respirons. Ce n’est pas nouveau: la respiration peut aider à focaliser l’esprit. L’invitation est de prêter attention à la façon dont on respire lorsque l’on n’y pense pas. Respirations rapides et superficielles? Par la bouche? Ces deux facteurs provoquent plus de stress que de calme, et bien que le stress puisse stimuler temporairement l’attention, l'hypervigilance n’aide pas à choisir son point de focalisation. Comment faire? Respirez par le nez. Ralentissez votre souffle. Essayez trois respirations 4-7-8 — inspirez profondément par le nez pendant quatre temps, retenez le souffle pendant sept temps, puis relâchez lentement le souffle, les lèvres pincées, pendant huit temps. Cela réduira immédiatement le stress et vous permettra d'entrer plus facilement dans un espace de choix.

  • Ce que nous oublions. Pris·es dans le tsunami du quotidien, nous oublions de penser à nous-mêmes pour pouvoir mieux servir les autres. Nous oublions nos valeurs fondamentales et ce qui nous importe. La meilleure façon d'améliorer cette mémoire? C’est de mettre fin à cette manie de tout faire en multitâche. Outre le fait que c’est littéralement impossible — on ne fait jamais vraiment deux choses à la fois, on divise son attention pour les faire l'une après l'autre, chacune avec moins d’attention —, une étude récente dans Nature a démontré qu'avec tout le multitâche médiatique que nous faisons, la récupération des idées dans la mémoire devient plus difficile. Nous perdons la mémoire. Plus nous effectuons plusieurs tâches à la fois, plus notre attention s'évanouit et plus nous oublions. Alors, arrêtons les dégâts!

  • Les moments où nous nous concentrons. Le corps fonctionne sur différents rythmes: le rythme circadien basé sur le cycle jour-nuit; les rythmes infradiens, qui sont plus longs (cycles mensuels, cycles saisonniers); et les rythmes ultradiens, qui sont plus courts et comprennent l'appétit, la fréquence cardiaque et l'excitation. Il y a même un rythme circasémidien: deux fois par jour, notre température corporelle augmente avec nos performances cognitives, généralement le matin et en début de soirée. C’est le calme plat l’après-midi, ce qui me décrit parfaitement: je suis hyperconcentrée le matin et inutile après le déjeuner. Attention, nous sommes tous différents. L'idée est de déterminer, en fonction de votre propre rythme, quand vous êtes au mieux et d'arrêter d'essayer de le forcer quand vous n’êtes pas au mieux.

  • Comment nous appliquons nos principes. Il s'agit de la façon dont nous vivons dans un «devoir» permanent. Et si nous remettions plus souvent en question ce que nous «devons» faire? Même l'utilisation de ce mot alimente l'erreur. Qu'est-ce qui est vraiment urgent? Que dois-je vraiment faire? J'aime remplacer «je dois faire ceci» par «je choisis de faire ceci».

  • Comment nous faisons une pause. L'énergie est un élément clé de la concentration, nous avons donc besoin de renouvellement, de façon régulière, sur la base d'un rythme ultradien général qui se renouvelle environ tous les 90 minutes. Moins si vous êtes sur Zoom. Il n'est pas possible de passer de réunion en réunion sans relâche et de rester attentif·ve. Nous devons (euh… nous choisissons de) prévoir des pauses. La longueur est moins importante que la qualité — arrêtez complètement pendant deux minutes, fermez les yeux, respirez, étirez-vous et regardez au loin. Essayez la nouveauté — interrompre les habitudes et les routines habituelles donne un coup de fouet au cerveau.

  • Le temps où nous plaçons notre attention. Il est courant pour nous, humains, de deviner: nous prédisons constamment l’avenir (c’est ainsi que notre esprit fonctionne, comme nous l’avons vu précédemment). Cela dit, quand on se focalise trop sur l'avenir, on glisse dans l'angoisse. Nous n'avons aucun contrôle sur ce qui va se passer. De même, nous passons souvent du temps à réécrire le passé — «si seulement j'avais…» C’est une perte d’énergie. Le moment optimal, c’est le présent. Ici et maintenant. Le chemin, pas la destination.


L’instant où l’on donne une attention particulière à quelque chose, même à un brin d’herbe, cela devient un monde en soi, mystérieux, extraordinaire, dont la magnificence est indescriptible.
— Henry Miller

Petite liste de hacks pour le focus

  • Désactiver ces fichues notifications.

  • Essayer les sons fonctionnels, comme BrainFM ou les battements binauraux.

  • Définir des limites de temps et d'espace pour les distractions: indiquer quand et où.

  • Fermer les yeux et déplacer la conscience vers le cœur. Ensuite, focaliser l’attention. Cela peut sembler bizarre, mais cela fonctionne. À essayer.

  • Se poser sans cesse la question: «Est-ce que je fais un choix conscient?»

  • Régler la nutrition, les hormones et le sommeil, sinon, la concentration devient vraiment plus difficile.

  • Bouger. Le yoga et l'entraînement de résistance contribuent à une concentration accrue.