La gratitude, une obsession qui vaut la peine?

Si on se base sur la science, il n’est pas étonnant que le philosophe romain Marcus Tulles Cicéron ait qualifié la gratitude comme étant la plus grande des vertus. C'est une pratique qui n’a pas de perdant·e pour réduire le stress, être plus heureux·se et mieux s'entendre avec les autres. Aujourd'hui, elle est une partie intégrante de la performance à haut niveau. Alors, comment fait-on?

Vous êtes-vous déjà concentré·e sur la sensation de gratitude? Pour moi, j'ai l'impression que ma poitrine se détend et s'ouvre, créant plus d'espace pour mon cœur. C'est une sensation physique, pas seulement une décision mentale de se focaliser sur la reconnaissance et l'appréciation. Une acte que je pratique souvent.

Il y a longtemps, je me suis accrochée à une croyance fondamentale. J'ai choisi de ne jamais rien prendre pour acquis. En un mot, d’être reconnaissante. C'est même l'un de mes vœux de mariage, avec des implications à long terme. Même 16 ans après, je remercie encore mon mari d'avoir fait la vaisselle ou simplement d'être là. C'est une habitude fabuleuse et contagieuse, par moment plus facile qu'à d'autres, et elle adoucit toujours les instants difficiles de la journée, me détournant de mes frustrations pour remettre en exergue les cadeaux de ma vie. Il n’y a rien de tel.

Qu'est-ce que la gratitude?

La gratitude ne se résume pas à un simple remerciement. C'est une émotion complexe. Elle implique une interaction sociale, des liens interpersonnels, un jugement moral et de l'empathie. Elle active des zones du cerveau impliquées dans les sentiments de récompense, de moralité, de liaison et de compréhension des autres. Elle augmente également la dopamine, la sérotonine et l'ocytocine, toutes hormones de bien-être.

Une étude de 2009 a révélé que se concentrer sur la gratitude augmente le flux sanguin vers l'hypothalamus, la partie du cerveau antérieur qui coordonne le système nerveux autonome; contrôle la température corporelle, la soif, la faim et d'autres systèmes homéostatiques; et joue également un rôle dans le sommeil et l'activité émotionnelle.

Mieux encore, la gratitude aide à réduire le cortisol, l'hormone du stress.

La gratitude commence par remarquer le bien autour de soi. Elle varie en intensité, d'un léger tiraillement émotionnel jusqu’aux larmes. Comme un muscle, plus on le met en pratique, plus cela devient facile.

Le hack de la gratitude

Il y a beaucoup de recherches de nos jours démontrant les pratiques de gratitude comme un moyen de nous rendre plus heureux·ses et plus résilient·e·s au stress, de nous permettre de mieux dormir, de moins nous inquiéter et de vivre plus longtemps. Sa pratique régulière nous rend plus susceptible de passer à la positivité plutôt qu'à la négativité. Même deux semaines passées à noter quotidiennement ce pour quoi on est reconnaissant suffisent pour opérer un changement.

On peut voir la gratitude comme un moyen de d’élargir une expérience positive, en la faisant durer plus longtemps. Le neuroscientifique et spécialiste du bonheur Rick Hanson a découvert que se concentrer délibérément sur quelque chose de positif pendant 20 secondes est suffisamment long pour créer des changements structurels positifs dans le cerveau. Et tandis que l'émotion de gratitude ne dure que quelques secondes, les pratiques régulières de gratitude créent une climat général de gratitude donnant lieu à plus d'émotion de gratitude dans un cercle vertueux.

Ma pratique de gratitude préférée

Chaque matin, je prends quelques minutes pour faire une pratique taoïste appelée le sourire intérieur. Je m'assois en méditation et je visualise mes organes les uns après les autres, les remerciant pour tout le travail qu'ils font, ressentant une sincère gratitude. Au début, je l'ai trouvé un peu bancal et étrange. Je l'ai fait tout de même juste «pour voir». Cette pratique a complètement changé ma relation avec mon corps. Pendant si longtemps, je me suis battu avec mon corps pour qu'il «fonctionne comme je le voulais». Cette pratique m'a permis de m'associer à mon corps, de le vivre autrement, par ce simple changement de perspective. Et c’est comme une mini usine à joie. C'est difficile à expliquer. Essayez-le et vous verrez.

La pratique de gratitude la plus difficile que j'ai faite

Celle qui fut la plus bénéfique aussi. Elle consiste à trouver de la gratitude dans les mauvaises choses aussi — autrement dit de chercher l’aboutissement positif, ou du moins les leçons apprises, après les conflits, les déceptions, les moments difficiles, l’inconfort. Et puis en être reconnaissant·e. Le pardon ajoute un coup de pouce supplémentaire aux ondes cérébrales alpha, qui sont associées à un état mental calme et concentré. Je n’ai pas dit que c’était facile.

La pratique de gratitude la plus amusante que j'ai faite

J'aime celle là. Ken Honda, fondateur du Happy Money, recommande que nous remercions l'argent lorsque nous le dépensons et lorsque nous le recevons. C'était aussi étrange au début, et cela apporte une légèreté vis à vis de l'argent qui est rare et délicieux.

Autres pratiques de gratitude

  • Trois choses par jour. Cette pratique consiste à tenir un journal de gratitude et à écrire trois choses pour lesquelles vous êtes reconnaissant·e chaque jour. Écrire va plus loin que la pensée. J'entre dans le détail. Par exemple, hier soir, j'étais reconnaissante pour les merveilleux chocolats que j'avais mangés, remerciant le producteurs, les distributeurs, le chocolatier et son personnel qui me l'ont vendu. En faisant cette liste le soir, on peut réguler à la baisse le système nerveux autonome, ce qui aide à mieux dormir. En le faisant pendant 21 jours, on crée une habitude.

  • Des lettres. C'est aussi fabuleux. Prenez le temps, régulièrement, d'écrire des lettres — à l'ancienne avec un stylo et du papier — aux personnes qui comptent dans votre vie. Et envoyez-les.

  • Le pot. Écrivez les choses pour lesquelles vous êtes reconnaissant·e·s sur des morceaux de papier et déposez-les dans un bocal. Faites-le de façon continue. Le pot rempli est un rappel de tous les bons moments qui traversent votre vie. Et quand ça se corse un peu, les bouts de papiers sont là pour la lecture.

L’astuce, en ce qui concerne la gratitude, est de la ressentir vraiment, dans son corps. On démarre toujours par être reconnaissant·e pour quelque chose. Mais le but, c’est d’être reconnaisant·e tout court.


Tous nos tourments sur ce qui nous manque me semblent procéder du défaut de gratitude pour ce que nous avons.
— Daniel Defoe