Idiosyncrasie: l’antidote du conformisme, la voie du succès
Dans nos rôles de leaders des autres et de nous-mêmes, alors même que nous aspirons à un certain conformisme et à la cohésion, l’outil le plus puissant pour atteindre le plein potentiel consiste à s’approprier entièrement son côté individuel, son idiosyncrasie. Le terme «idiosyncrasie» vient du grec idios («propre, particulier») et krasis («mélange») : c’est le comportement particulier de chaque individu, son individualité propre. Quelques réflexions.
Dans la vie, comme dans le leadership, nous pouvons choisir de mettre l’accent sur l’uniformité, au risque d’être démodé, de faire du micromanagement, et de ne pas obtenir les meilleurs résultats, ou nous pouvons valoriser l’individualité du style et de l’expression, laissant place à la souplesse, restant aligné·e·s sur notre vision et nos valeurs pour garder la cohésion.
Appliquer cette même approche à nous-mêmes semble évident, et pourtant, combien de nos décisions et actions sont teintées de conformisme?
Il existe des étapes pour s’approprier pleinement son individualité: s’accepter en tant qu’individu, se connaître en profondeur, notamment en ce qui concerne ses réactions aux nombreuses influences individualisantes, et puis se faire confiance.
Rencontres quotidiennes avec l’idiosyncrasie
Récemment, mon mari, ma fille et moi avons décidé de faire du jogging ensemble régulièrement. Les négociations ont été rudes. Je déteste le jogging. Je ne le fais pas bien. Certes, je suis passionnée d’arts martiaux (je suis même championne nationale) et je fais de l’exercice tout le temps, mais courir n’a jamais été mon truc. Ou comme dit ma fille sans prendre de gants: «Tu ne sais pas courir.» Point.
Je pourrais me référer à mon profil génétique pour me défendre. Parmi la quantité proportionnellement plus élevée d’ADN de Néandertal que j’ai (plus que 78% des autres personnes testées par le même service), j’ai trois variantes associées au fait d’être meilleur en sprint qu’en marathon. Ah! Voilà.
Sauf que je ne sprinte pas non plus. Donc, pour cette aventure, j’ai exigé qu’on me jure qu’on n’allait pas se moquer de moi. Qu’on m’encouragerait quand je m’arrête pour souffler. Que celui·celle qui court plus vite et plus loin me soutiendraient. Et le premier jour, le plus important de tous, j’ai dû abandonner mon côté compétition et simplement reconnaître que je ne les rattraperais pas.
Pour ce faire, j’ai fait appel à un principe de base du biohacking: nous sommes tous parfaitement individuels dans un écosystème qui nous est propre, et nous expérimentons donc pour voir ce qui se passe. Je suis la référence, pour moi. J’ai transformé le jogging en expérimentation.
Il y a quelque chose de très libérateur dans le fait de m’accepter telle que je suis. Cela semble banal, mais je connais beaucoup de gens comme moi qui acceptent, soutiennent et encouragent tout le monde, tandis que leur critique intérieur les tient à un tout autre standard, beaucoup plus élevé et conforme aux attentes extérieures.
Vivre dans sa bulle
Le philosophe Jakob von Uexküll décrit «une prairie en fleur bourdonnante de coléoptères et parcourue de vols de papillons», demandant au lecteur d’imaginer autour de chaque «bestiole» quelque chose comme une bulle de savon. Celle-ci représente son monde, son écosystème et «un nouveau monde se forme dans chaque bulle». J’adore cette image, parce que nous sommes pareils — chacun un sujet, très individuel, dans un écosystème entier qui est tout à soi.
Nous sommes dans un va-et-vient permanent avec notre environnement, notre écosystème. Nous sommes tous·tes influencé·e·s à la fois par notre environnement externe et notre environnement interne. La science ne laisse aucun doute sur le sujet.
Cela signifie que nous sommes tous·tes parfaitement uniques, singulier·ère·s, et ce qui fonctionne pour moi ne fonctionnera pas nécessairement pour vous. Chacun est donc bien à sa place de conducteur.
En fin de compte, avec des pratiques et des techniques, nous pouvons élargir l’horizon de cette bulle, ce qui est vraiment cool.
Qu’est-ce qui nous façonne?
En moyenne, en termes de biochimie, tous les humains sont similaires à 99,5%. Nous partageons donc beaucoup de points communs. Et pourtant…
De nombreux facteurs façonnent notre individualité.
Notre génétique, bien sûr. Si nous regardons simplement ce que nous «devrions» manger, la génétique influence la façon dont nous digérons les glucides, les protéines et les graisses. Mais aussi notre capacité à extraire de l’énergie de certains aliments. Comment nous métabolisons certaines vitamines. Notre poids et notre composition corporelle. Comment nous régulons la glycémie, le cholestérol, la caféine.
Il en va de même pour le sommeil. Certaines personnes ont besoin de plus de sommeil que d’autres. Certains sont des noctambules, d’autres des lève-tôt. Le Dr Michael Breus, spécialiste du sommeil, identifie même quatre types de dormeur·euse·s: les lions, les loups, les ours et les dauphins.
Ensuite, les influences épigénétiques changent la façon dont nos gènes s’expriment.
La liste des facteurs qui façonnent notre individualité est donc longue: comment et où nous sommes nés, l’environnement, les maladies, les joies et les facteurs de stress, l’exposition aux produits toxiques, les expériences physiques et émotionnelles, notre style de vie, nos goûts et aversions, nos passions, nos emplois, nos engagements, nos mécanismes d’adaptation, notre métabolisme, notre âge, et j’en passe.
Même ce que nos ancêtres ont vécu nous influence profondément.
Pour mieux comprendre ces influences, j’adopte une approche systématique et je catégorise les influences en environnement interne et environnement externe. L’externe comprend aussi bien les relations avec d’autres personnes que l’exposition à la lumière et à la qualité de l’air que nous respirons. L’interne, c’est notre génétique, notre microbiome, mais aussi nos émotions, nos pensées et nos aspirations.
Le hack pour tirer le meilleur parti de votre individualité
Je trouve très stimulant de reconnaître que je ne suis tout simplement pas comme les autres. J’adhère à l’idée que les conseils donnés par quelqu’un d’autre ne servent que d’idées supplémentaires à considérer. À moi de trouver et d’assumer mes choix. Ce processus peut se faire en trois étapes.
La conscience de l’individualité
Les biohackers adorent tester et suivre leurs données. On peut tester son biome et son taux métabolique. On peut surveiller ses cétones et sa glycémie. On peut faire séquencer son ADN, analyser son sang et ses selles.
Tout cela est intéressant, amusant et utile — et coûteux.
Une autre méthode consiste à prêter attention à ce que vous ressentez et comment vous réagissez. À écouter de plus près. À utiliser à la fois l’intéroception — comment vous vous sentez à l’intérieur de votre corps — et l’extéroception — les informations provenant des cinq sens, ainsi que des sentiments, des réponses physiologiques, des réponses psychologiques et des réponses comportementales.
L’acceptation de l’individualité
Dans le cadre de cette observation, le vrai hack, qui semble contradictoire, est de créer une certaine distance entre votre esprit d’observation et ce qui se passe, toutes ces réactions faisant de vous un individu. On passe de «je me perçois» à «je perçois une réponse du système nerveux». Cette distance permet d’être impartial·e, plus compatissant·e et tolérant·e. J’écris ça comme si c’était facile, mais en réalité, c’est une pratique permanente.
La confiance en l’individualité
C’est de ce lieu où on se voit et on s’accepte que naît une profonde confiance en sa propre connaissance de soi. Cela se produit à plusieurs niveaux: accepter que je ne cours pas comme les autres mais que je peux toujours essayer pour voir les avantages, savoir que je me sens ballonné·e et endolori·e ce matin parce que j’ai mis de la crème dans la sauce au dîner hier soir, jusqu’à assumer entièrement ma parole et ce que j’ai à dire, et prendre ma place.